Selon des allergologues, le Benadryl ne devrait pas être disponible sans ordonnance
En raison d’effets secondaires potentiels pouvant être graves, surtout chez les enfants.
Trucs et Bricolages
Depuis les années 40, le Benadryl a utilisé comme une solution toute indiquée pour lutter contre les allergies en tous genres et les réactions aux piqûres d’insectes. Donner ce médicament à un enfant est devenu un réflexe anodin. Toutefois, de plus en plus de médecins pensent maintenant que cet antihistaminique est moins efficace et moins sûr que d’autres produits. Plus encore, ils demandent que sa vente libre soit remise en question.
Dans une récente déclaration de principes, la Société canadienne d'allergie et d'immunologie clinique (SCAIC) y va d’une mise en garde contre le Benadryl comme traitement de première intention du rhume des foins et de l'urticaire chez les adultes et les enfants.
Santé Canada révise actuellement l’affirmation du groupe de médecins qui affirme que ce médicament est surutilisé à cause de sa disponibilité et que son accès devrait être limité dans les pharmacies.
« Nous sommes stupéfaits de voir que les gens veulent toujours l’utiliser", a affirmé le Dr David Fischer, allergologue clinicien à Barrie, en Ontario, et auteur de la déclaration de principe de la CSACI.
La déclaration en question recommande de ne pas utiliser les antihistaminiques H1 de première génération, y compris Benadryl, qui ont été introduits dans les années 1940, soit avant les normes de licence actuelles.
H1 évoque le type de récepteurs cellulaires sur lesquels il agit dans le cerveau, alors que la première génération démontre une classification plus ancienne des médicaments qui peut pénétrer dans d’autres parties du corps, entrainant plusieurs autres réactions en plus de ses effets antihistaminiques. On retrouve la diphenhydramine dans plusieurs médicaments de marque et génériques pour le traitement des allergies et des symptômes du rhume en Amérique du Nord. Benadryl est le plus connu.
L’ingrédient médicinal présent dans le Benadryl, soit le chlorhydrate de diphenhydramine, "vous rend somnolent et irritable et si vous prenez une dose trop forte ou une overdose, vous vous retrouverez à l’hôpital", a expliqué le Dr Fischer.
D’après la déclaration de la CSACI, la survenue d'une surdose d'antihistaminiques H1 de première génération comprend aussi des problèmes de respiration, le coma et des convulsions. Il est aussi possible que des troubles du rythme cardiaque fatals soient associés à d'autres médicaments.
Le Dr Fischer affirme que les antihistaminiques H1 de nouvelle génération, comme Reactine, Claritin et Aerius, qui fabriquent des liquides ou des comprimés pour enfants et des médicaments pour adultes, sont plus sécuritaires, efficaces et rapides. De plus, les nouveaux médicaments entraînent beaucoup moins de sédation, voire aucune, comparativement à ceux de l’ancienne génération.
Même à doses prescrites et bien calculées, des médicaments comme Benadryl sont associés à une sédation, à des troubles cognitifs et à des problèmes de mémoire, selon la Dre Anne Ellis, allergologue et professeure à l'Université Queen's. « Les enfants peuvent avoir des réactions paradoxales qui les rendent hyperactifs, alors que les personnes âgées peuvent délirer », a-t-elle déclaré.
Les produits Benadryl pour adultes et pour enfants sont disponibles dans les pharmacies et les magasins sans ordonnance. Ils sont commercialisés au Canada pour traiter de nombreux symptômes, comme les éternuements, l'écoulement nasal, les démangeaisons oculaires, les piqûres d'insectes, l'urticaire et autres éruptions cutanées.
Le fabricant de Benadryl, Johnson & Johnson, a déclaré à la Presse canadienne que « Depuis plus de 60 ans, les médecins et les mères font confiance aux produits Benadryl pour fournir un soulagement efficace des symptômes d'allergies et de réactions allergiques ».
Johnson & Johnson affirme que les produits sont approuvés par Santé Canada et qu’ils sont sûrs et efficaces s’ils sont utilisés en conformité avec les instructions
La semaine passée, Santé Canada a dit évaluer le document de synthèse de la CSACI « afin de déterminer si d'autres mesures d'atténuation des risques pour les produits contenant de la diphénhydramine étaient nécessaires ».
L’organisme fédéral a affirmé être au courant des problèmes de sécurité liés à l'utilisation de produits contenant de la diphénhydramine pour les enfants. Depuis 1965, il a reçu plus de 1 700 rapports faisant état d’ « effets indésirables graves soupçonnés d'être liés à des produits contenant de la diphénhydramine », comme la fatigue, la fièvre, les maux de tête et la somnolence.
Santé Canada ajoute que ces rapports n'ont pas été évalués par l'agence et qu'il est « impossible de déterminer si un effet indésirable signalé à Santé Canada est le résultat de l'utilisation d'un produit de santé spécifique ».
Même si des adultes et des enfants peuvent ressentir les effets secondaires de la diphenhydramine, ce sont les enfants qui sont particulièrement à risque de complications graves. Une simple petite erreur de dosage pour un enfant peut mener à une surdose et les enfants peuvent avaler facilement la quantité de médicament pouvant être toxique.
Santé Canada a attiré l'attention sur un document d'orientation de 2016 où on indique que les produits d'aide au sommeil qui contiennent de l'hydrochlorure de diphenhydramine devraient porter une étiquette de mise en garde contre une utilisation chez les enfants de moins de 12 ans.
Par contre, l’agence fédérale n'a pas expliqué pourquoi ce document d'orientation n'exige pas cet avertissement sur l'hydrochlorure de diphenhydramine dans les médicaments contre l'allergie ou la toux.
Le document d'orientation de 2016 de Santé Canada recommande aux adultes de ne pas conduire et de ne pas se livrer à des « activités nécessitant de la vigilance » en cas de consommation de diphenhydramine pour traiter des allergies ou la toux.
Pour sa part, l’Organisation mondiale contre l'allergie recommande
depuis 2013, dans son livre blanc, de privilégier les antihistaminiques plus récents aux antihistaminiques de première génération pour le traitement général des allergies.
Les antihistaminiques H1 de deuxième et troisième générations ont été développés pour obtenir de bons effets antihistaminiques sans les autres effets secondaires. Ils sont disponibles au Canada depuis les années 80. Ces médicaments contiennent des antihistaminiques comme la loratadine, la desloratadine ou la cétirizine, à la place de la diphénhydramine.
Le président du comité des soins aigus de la Société canadienne de pédiatrie, le Dr Kevin Chan, a affirmé avoir constaté une tendance générale à l'utilisation d'antihistaminiques plus récents. Cependant, il ne pense pas que l'information a été transmise aux hôpitaux communautaires.
« De nombreux urgentologues utilisent encore des antihistaminiques de première génération », a déclaré le médecin.
Même si les experts sont de plus en plus sensibilisés au sujet des antihistaminiques de première génération H1 comme le Benadryl, les avis médicaux tardent à se répercuter sur les médecins et les parents, qui continuent à administrer les médicaments plus anciens aux enfants et à en consommer eux-mêmes.
Il est très difficile de convaincre quelqu'un que ce qu'il a fait ces 20 dernières années est une erreur », a déclaré Anne Ellis.
Pour Jennifer Gerdts, directrice générale d’Allergie alimentaire Canada, « Le rôle des antihistaminiques dans le traitement des réactions allergiques a été une source de confusion pour les parents d’enfants souffrant d’allergies mettant la vie en danger ».
« Il n'y a pas si longtemps, moi aussi, en tant que parent de jumeaux souffrant d'allergie alimentaire, je croyais que Benadryl était une option pour traiter les réactions allergiques", a-t-elle mentionné dans un courrier électronique mercredi.
« Avec cette déclaration de CSACI, il est clair que le Benadryl ne joue aucun rôle dans le traitement des réactions allergiques. Les parents doivent comprendre que l'épinéphrine est le traitement de première intention et le seul traitement recommandé pour enrayer une réaction allergique grave (anaphylaxie) », a-t-elle ajouté.