Attention aux vidéos virales qui affirment que le wi-fi est dangereux pour la santé
Le scepticisme est de mise!
Trucs et Bricolages
Une nouvelle vidéo affirmant prouver les dangers du wi-fi sur la santé est entrée en circulation récemment sur les réseaux sociaux. On y montre une supposée expérience qui consiste à placer un routeur près d’une plante. Bien que cette vidéo semble convaincante de prime abord, elle n’a aucune valeur scientifique, selon un expert contacté par Radio-Canada.
Les images sont perturbantes. On y montre des élèves de deuxième secondaire qui tentent de faire pousser deux plantes dans deux boîtes séparées. Chacune d’entre elles contient un routeur. Le réseau du premier routeur est activé, alors que le deuxième ne l’est pas. Après trois jours, les semences « à l’abri des ondes » ont germé, mais rien ne s’est passé pour les autres.
Un garçon demande « Quelles sont les autres choses auxquelles [le wi-fi] peut faire mal? Notre cerveau, nos bras, nos jambes? ». Voilà la prémisse de la vidéo en question, qui a été mise en ligne en septembre par Pioneers of Science, un programme créé par un enseignant américain avec sa classe de secondaire 2.
La vidéo a cumulé plus de 130 000 vues sur Vimeo et des dizaines de milliers sur YouTube, où elle a d’ailleurs été repartagée en portant des titres tels que « Constat de la dangerosité du wi-fi sur le vivant ».
Mais qu’en dit la science?
Cette vidéo récente n’est pas unique en son genre et n’est pas la première à devenir aussi virale. Une « expérience » semblable menée par des collégiennes au Danemark a fait le tour du web en 2013, avant d’être démentie par plusieurs médias et spécialistes. Elle ressort encore régulièrement sur les réseaux sociaux, même après tout ce temps.
Dans un dossier sur la présumée nocivité des radiofréquences, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) explique « qu’environ 25 000 articles scientifiques ont été publiés sur les effets biologiques et les applications médicales des rayonnements non ionisants ».
La conclusion de l’organisme réputé? « Les données actuelles ne confirment en aucun cas l'existence d'effets sanitaires résultant d'une exposition à des champs électromagnétiques de faible intensité. Toutefois, notre connaissance des effets biologiques de ces champs comporte encore certaines lacunes, et la recherche doit se poursuivre pour les combler ».
De son côté, Santé Canada considère que la technologie des réseaux Internet sans fil est sécuritaire.
« Tant que [les niveaux de radiofréquences] demeurent inférieurs aux limites prescrites dans les lignes directrices de Santé Canada sur l'exposition, les données scientifiques actuelles corroborent l'affirmation que les émissions [radiofréquences] des appareils wi-fi ne sont pas dangereuses », lit-on sur la page « Sécurité de la technologie wi-fi » de son site Web.
Selon Mathieu Gauthier, qui est conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et auteur de l’étude « Évaluation des effets sur la santé des champs électromagnétiques dans le domaine des radiofréquences », l’expérience de Pioneers of Science est « tellement mal conçue qu’elle ne nous dit rien ».
« C’est le genre de mauvaise science qui paraît très bien. C’est assez bien monté, et l'on sent l’appel à l’action à la population d’aller taper des choses dans Google. Mais le contenu en tant que tel n’a pas une grande valeur scientifique », a-t-il affirmé à Radio-Canada.
Il faut savoir que mesurer les effets biologiques et psychologiques des radiofréquences n’est pas une tâche aisée. Selon monsieur Gauthier, cela demande la mise en commun des compétences de spécialistes en physique, en électronique et en ingénierie, en plus d’un système d’exposition aux radiofréquences produisant une exposition connue et uniforme. C’est dire que plusieurs autres facteurs que le wi-fi peuvent être en cause.
Il faut savoir aussi qu’utiliser un routeur commercial pour ce genre d’expérience est déjà une faille expérimentale importante. Un routeur ne produit pas une exposition uniforme. S’il n’y a pas de contrôle logiciel pour déterminer l’exposition réalisée, on ne sait pas à quoi était exposé le sujet d’étude.
Mathieu Gauthier mentionne aussi que la température des boîtes dans cette vidéo aurait également dû être contrôlée. D’après lui, il est possible que la boîte qui contenait le routeur activé ait généré plus de chaleur que celle sans réseau, séchant de ce fait toute l’eau nécessaire à la plante pour pousser.
Il souligne aussi que faire une équivalence entre plantes et êtres humains n’est pas avisé.
« Une fois qu’on a un résultat expérimental, on est loin de se dire que l’effet peut se reproduire chez l’être humain. Si l'on expose, par exemple, une souris à un niveau relativement élevé de radiofréquence, les souris ne sont pas exposées de manière localisée comme on peut l’être, mais bien sur le corps en entier », a-t-il expliqué à Radio-Canada.
Finalement, comme la vidéo en question a a été coproduite par Environmental Health Trust, un organisme à but non lucratif qui est dirigé par l’épidémiologiste Devra Davis, qui milite contre les présumés dangers des radiofréquences, ont doit demeurer sur nos gardes.
« Ça soulève aussi des doutes sur le choix de méthodologie. A-t-on vraiment choisi une méthodologie rigoureuse, ou a-t-on choisi une méthodologie qui allait donner le résultat attendu? La question se pose », a conclu Mathieu Gauthier.
Encore une fois, répétons que tout ce qui se voit sur Internet n’est pas nécessairement vrai!